Par Alexandre Desjardins, avocat au Centre québécois du droit de l’environnement. Les opinions exprimées dans ce texte n’engagent que l’auteur.

La mise au rancart au cours des dernières semaines de deux projets de loi importants en matière de ressources naturelles démontre l’incapacité du gouvernement du Québec à adopter des réformes législatives en cette matière. Cela n’est peut-être pas surprenant quand on considère qu’il ne détient pas la majorité à l’Assemblée nationale. Bien que les questions en jeu soient urgentes et essentielles, cette situation n’est pas complètement catastrophique, environnementalement parlant.

Réforme de la Loi sur les mines

Le 30 octobre dernier, les partis d’opposition ont voté contre l’adoption du principe du projet de loi 43, Loi sur les mines. Pourtant, un vote affirmatif n’aurait pas eu pour effet d’engager les parlementaires sur le contenu exact du projet de loi, ou sur son adoption éventuelle. Il s’agissait plutôt d’une étape procédurale permettant d’entamer l’étape suivante, celle de l’étude détaillée du projet de loi.

L’abandon du projet de loi 43 à ce stade est d’autant plus déplorable que de nombreux intervenants avaient participé de bonne foi aux consultations particulières pour ce projet, lequel reprenait plusieurs dispositions des deux précédentes tentatives de réformes. Pas moins de soixante-quinze mémoires ont été déposés devant la commission parlementaire chargée de tenir ces consultations, et plus d’une trentaine de personnes et organismes avaient été entendus.

Tout ce travail est tombé à l’eau, sans que les parlementaires n’aient eu l’occasion de reprendre certaines des nombreuses propositions présentées, et d’amender les quelques dispositions de ce projet de loi qui ne faisaient pas consensus. Ainsi, la réforme de la pièce maîtresse du régime minier du Québec, pourtant essentielle, est renvoyée encore une fois aux calendes grecques.

Le projet de loi 43 n’était pas parfait, mais il proposait des avancées intéressantes notamment en matière d’accès à l’information et de protection de l’environnement. Or, c’est maintenant le retour à la case départ. Espérons tout de même que le dépôt d’un projet de loi sur les mines amendé, annoncé récemment, saura faire un plus grand bout de chemin dans le processus législatif québécois que le projet de loi 43.

Le moratoire sur les gaz de schiste

Quelques jours plus tard, c’était au tour du projet de loi 37: Loi interdisant certaines activités destinées à rechercher ou à exploiter du gaz naturel dans le schiste d’être condamné. Dans ce cas toutefois, l’incapacité du gouvernement à adopter ce projet de loi n’est pas nécessairement une mauvaise chose.

Il semble en effet que tel que présenté, il offrait bien peu pour la protection de l’environnement et obéissait principalement à des intérêts partisans et stratégiques.

Il existe actuellement un moratoire « de facto » visant toute fracturation hydraulique. Ce moratoire a été institué dans la foulée du tumulte entraîné par l’arrivée imminente de cette filière énergétique au Québec, vers la fin de l’année 2010.

Pour répondre aux préoccupations de la population, une enquête et des audiences publiques du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) ont eu lieu, et à la suite du rapport qui en a suivi, une étude environnementale stratégique (EES) visant à acquérir des connaissances par le biais de 78 études confiées à des spécialistes a été déclenchée. Le rapport final de l’ÉES devrait être rendu public le 29 novembre prochain. Par la suite, il a été annoncé que le BAPE devrait être mandaté à nouveau en 2014 pour tenir des consultations sur la question des gaz de schiste.

Or, il a été clairement établi que pendant la durée de cette ÉES, aucune fracturation hydraulique n’aurait lieu au Québec à moins que celles-ci ne soient autorisées par le Comité chargé de piloter l’ÉES. De plus, en automne 2011, des modifications au Règlement relatif à l’application de la Loi sur la qualité de l’environnement ont eu pour effet d’assujettir tout forage destiné à rechercher du gaz ou du pétrole dans le schiste et toute opération de fracturation à l’obtention d’un certificat d’autorisation émis en vertu de l’article 22 de la LQE, ainsi qu’à des obligations de transparence de consultations publiques locales.

Or, le projet de loi 37 ne propose à mon avis aucune avancée digne de ce nom pour la protection de l’environnement ou pour la participation publique en matière environnementale.

D’une part, le moratoire ne concernerait que la région des basses-terres du Saint-Laurent, où les activités d’exploration des gaz de schiste sont, pour des raisons économiques et politiques, très peu probables à court ou moyen terme, alors que l’utilisation de la fracturation hydraulique et la « recherche de gaz ou de pétrole dans le schiste » semblent beaucoup plus imminents à d’autres endroits (pensons à Anticosti). À titre de comparaison, les moratoires proclamés en France et au Vermont s’appliquent à l’ensemble de ces territoires.

Aussi, la durée proposée du moratoire dans le projet de loi 37 serait de 5 ans ou jusqu’à l’adoption d’une Loi sur les hydrocarbures, ce qui semble bien peu. Enfin, le texte du projet de loi 37 fait des distinctions sémantiques qui apparaissent injustifiées. C’est pourquoi la paralysie législative du gouvernement actuel n’est peut-être pas, dans ce cas précis, une si mauvaise chose.

Loi sur les hydrocarbures

Depuis plusieurs années déjà, le gouvernement québécois a annoncé son intention de déposer un projet de Loi sur les hydrocarbures. Malheureusement, le sort qui a été réservé au plus récent projet deLoi sur les mines laisse présager, dans le contexte politique actuel, un sort similaire à cette autre tentative de réforme législative.

Pourtant, l’adoption d’un cadre juridique digne du 21e siècle pour cette filière énergétique est plus nécessaire que jamais.

Actuellement, l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures au Québec sont régies par la Loi sur les mines et le Règlement sur le pétrole, le gaz naturel et les réservoirs souterrains, lesquels sont inadaptés aux projets d’exploration de gaz et de pétrole non conventionnels au Québec.

Vu les importants impacts environnementaux, sociaux et économiques potentiels en jeu en matière d’exploration et d’exploitation des hydrocarbures au Québec, peut-être que l’incapacité de mener à bien des réformes législatives du gouvernement actuel en cette matière aura le bienfait de contraindre les décideurs à tenir les consultations qui s’imposent en amont des importantes réformes à venir dans le secteur de l’exploration et de l’exploitation des hydrocarbures au Québec.