par Jean Baril, avocat et chargé de cours à l’Université Laval.

Le Devoir du 27 février faisait état d’une formation offerte par le biais du Conseil patronal de l’environnement du Québec intitulée « L’accès à l’information de nature environnementale » et portant « sur les modalités et exceptions à l’accès aux renseignements détenus par un organisme public ». Cette formation répondrait à des besoins des membres du CPEQ « qui voudraient empêcher la divulgation de données environnementales qu’ils partagent avec le ministère et auxquelles une tierce personne  souhaiterait accéder ». Ayant rédigé une thèse de doctorat intitulée « Droit d’accès à l’information environnementale : pierre d’assise du développement durable », cet article m’a interpellé.

Open lock ©Jisc and Matt Lincoln CC BY-NC-ND

Nous sommes dans un État de droit, ces exceptions de la « Loi sur l’accès » existent et il n’y a aucun problème à ce qu’elles soient expliquées par des avocats compétents dans des formations reconnues par le Barreau du Québec. Là où des questions se posent, c’est sur l’adéquation entre les beaux discours publics sur la transparence et un développement durable dont le citoyen serait un acteur incontournable avec le « besoin » exprimé d’empêcher la divulgation d’informations de nature environnementale et surtout la facilité avec laquelle la loi actuelle le permet.

Or, pour pouvoir participer efficacement à la protection de l’environnement et au développement durable, les citoyens doivent disposer de toute l’information nécessaire. Il en va de même s’ils veulent évaluer les mesures environnementales prises par l’État et les entreprises. Les renseignements recherchés portent généralement sur les conditions d’autorisation de projets, des analyses ou des documents techniques soumis au soutien de telles autorisations, la liste des contaminants utilisés par une entreprise, des rapports de caractérisation des sols ou de l’eau, etc. Ceux qui cherchent à obtenir de tels renseignements le font à des fins de prévention, de participation à des processus de prise de décision ou pour s’assurer du respect de la loi et de leurs droits. Rappelons que le droit à l’information et le droit à un environnement sain et respectueux de la biodiversité sont des droits fondamentaux protégés par notre Charte québécoise. En outre, le droit de toute personne « d’accéder aux informations relatives aux ressources en eau détenues par les autorités publiques » est un des fondements de notre « loi sur l’eau » et l’accès à l’information est un des principes juridiques de la Loi sur le développement durable.

À mon avis, pour que le concept de développement durable arrive à produire les transformations escomptées, il faut impérativement réduire le champ des exceptions commerciales faisant l’objet de la formation du CPEQ ainsi que les tempérer par l’introduction de critères environnementaux et sociaux. Les dispositions en cause devraient être revues à la lumière des conventions internationales les plus récentes, tant celles portant sur l’accès à l’information administrative que celles relevant du droit de l’environnement. La conception des futurs mécanismes d’information environnementale devra intégrer les possibilités ouvertes par les nouvelles technologies de l’information et l’égalité d’accès à l’information en être le principe juridique central. À ce jour, c’est loin d’être le cas et nous vivons dans un monde très inégal quant aux possibilités de connaître, comprendre, débattre et contribuer à la solution des diverses problématiques environnementales nous entourant.

Une analyse exhaustive des décisions rendues au Québec concernant l’accès à des documents contenant des informations de nature environnementale amène à penser que, pour être conforme à la réalité observée, notre régime d’accès devrait s’intituler « Loi sur les restrictions à l’accès aux documents détenus par les organismes publics et sur la protection des renseignements personnels et commerciaux ». Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que les citoyens et les groupes environnementaux perdent confiance dans l’efficacité des mécanismes d’information environnementale mis à leur disposition. Cela contribue à accentuer le cynisme existant vis-à-vis nos institutions et les grandes « proclamations » juridiques. C’est ainsi que le dernier rapport annuel de gestion du ministère « de l’Environnement » nous apprend que les groupes environnementaux représentent seulement 1,3% des demandeurs d’accès à l’information, les journalistes 1% et les citoyens 7,1%. Ce sont les entreprises qui arrivent en premier lieu avec 77,3% des demandes!

Au Québec, il existe toujours un profond déséquilibre entre l’information environnementale détenue par l’État, les pollueurs et les citoyens. Il est donc important de corriger les lacunes soulevées, tant pour la santé de l’environnement que pour celle de notre démocratie. Espérons que les entreprises membres du CPEQ seront sensibilisées à cette réalité…