Ottawa, territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin anishinabé, le 4 avril 2023 – Des groupes de défense de l’environnement et de la santé de tout le pays, notamment le Centre québécois du droit de l’environnement, Ecojustice, l’Association canadienne des médecins pour l’environnement (ACME), Équiterre et le Centre du droit de l’environnement de l’Université de Victoria, demandent que la Loi sur la concurrence fédérale soit modernisée pour permettre au Canada d’attaquer de front la crise climatique et le fléau de l’écoblanchiment à l’échelle du pays.

Ces groupes ont soumis à Innovation, Sciences et Développement économique Canada (ISDE) des propositions visant à intégrer des considérations de durabilité dans la réforme de la Loi. Les consultations publiques qui ont été tenues sur la question se sont achevées vendredi dernier. Au cours des prochains mois, ISDE examinera les commentaires reçus et présentera au Parlement un premier projet d’amendements. 

Dans son état actuel, la Loi sur la concurrence ne répond pas adéquatement à l’enjeu de l’écoblanchiment et ne favorise donc pas notre transition vers une économie à zéro émission nette. Si le Canada ne se dote pas de normes claires et de mécanismes juridiques efficaces permettant de tenir les auteurs de déclarations environnementales responsables de leurs prétentions, il aura bien du mal à atteindre ses objectifs en matière de climat.

La réforme du droit de la concurrence ne constitue pas à elle seule une solution à la crise climatique. Elle représente toutefois un levier économique important qui complète d’autres politiques environnementales et climatiques. Réalisée judicieusement, la réforme de la Loi ferait en sorte que la pression concurrentielle du marché incite les entreprises à utiliser efficacement les ressources limitées de notre planète et à donner aux consommateurs les moyens de faire des choix durables.

Dans une économie mondialisée où les industries polluantes sont de plus en plus perçues comme un fardeau et où les partenaires commerciaux du Canada intègrent la durabilité dans leurs propres lois sur la concurrence, ce dernier risque de perdre un avantage concurrentiel s’il ne parvient pas à intégrer de manière crédible la durabilité environnementale dans sa politique économique.

Selon Matt Hulse, avocat d’Ecojustice :

« La crise climatique est le plus grand défi du 21e siècle et chaque secteur de la société a un rôle à jouer pour prévenir la catastrophe.

« L’écoblanchiment est un phénomène répandu et systémique au Canada : les entreprises présentent faussement leurs services, leurs produits et leurs activités comme étant en phase avec un avenir durable. En réalité, ils contribuent directement à la crise climatique. Par exemple, les sociétés d’exploitation des sables bitumineux et certaines grandes banques canadiennes multiplient les engagements creux au “zéro émission nette”, sans plans ni politiques pour étayer leurs affirmations.

« Le Canada doit se doter de normes juridiques interdisant l’écoblanchiment et de mécanismes permettant de tenir les industries responsables du respect de leurs engagements climatiques; sans cela, il sera difficile pour le pays d’atteindre ses objectifs dans le cadre de l’Accord de Paris, exposant du coup tout le monde au Canada aux impacts des changements climatiques.

« Il faut que le gouvernement fédéral oblige les entreprises à rendre compte des actions qu’elles prennent en faveur du climat. La Loi sur la concurrence doit faire partie de cette solution. »

Calvin Sandborn, avocat principal au Centre du droit de l’environnement de l’Université de Victoria, a déclaré :

« L’avenir de l’humanité est déjà plus sombre qu’il ne devrait l’être, et ce, à cause de la vague de publicités trompeuses de l’industrie des combustibles fossiles qui a tué Kyoto et d’autres mesures climatiques il y a quelques dizaines d’années. La publicité mensongère ne doit plus jamais saboter l’action climatique.

La publicité trompeuse empêche les consommateurs de faire la distinction entre les produits qui sont bons et ceux qui sont nocifs. C’est pourquoi la réglementation de ce type de publicité est utile à la fois aux consommateurs consciencieux et aux entreprises durables. Elle pourrait également contribuer à sauver la planète. »

Andréane Brazeau, analyste des politiques climatiques à Équiterre, a affirmé :

« La Loi sur la concurrence est un levier essentiel dans la lutte contre l’écoblanchiment. Nous devons saisir cette occasion pour favoriser le développement d’une économie compétitive et compatible avec nos objectifs climatiques. La Loi doit garantir que les entreprises qui sont proactives sur le plan environnemental récoltent les fruits de leurs investissements et que les consommateurs disposent de toutes les informations nécessaires pour faire leur choix, ce qui est loin d’être le cas à l’heure actuelle. De nombreux gouvernements partout dans le monde ont déjà pris des mesures importantes dans la bonne direction. Le Canada doit désormais rattraper son retard. »

Leah Temper, directrice de la campagne Les publicités sur les combustibles fossiles nous rendent malades à l’Association canadienne des médecins pour l’environnement, a indiqué :

« Les changements climatiques sont la plus grande défaillance du marché que le monde ait connue. La réforme du droit de la concurrence peut contribuer à mettre un terme au transfert des coûts par les entreprises et à transformer nos économies pour protéger les personnes et la planète. Pour créer des conditions de concurrence équitable et stimuler l’innovation verte, nous devons commencer par nous attaquer à l’écoblanchiment et à la publicité trompeuse. Les entreprises doivent changer leur conduite, pas leur discours. Il est temps de changer de façon de faire; de faire du “business as unusual”. »

Marc Bishai, avocat au Centre québécois du droit de l’environnement, a fait remarquer :

« Ni le public ni les entreprises ne savent ce que les autorités considèrent actuellement comme faux ou trompeur en matière de déclarations liées au climat. Nous avons maintenant l’occasion idéale de renforcer notre cadre juridique pour nous mettre sur la bonne voie et au diapason des réglementations adoptées ailleurs dans le monde. Ne la manquons pas. »

D’après Catherine McKenna, présidente du Groupe d’experts de haut niveau des Nations unies sur les engagements de zéro émission nette des entités non étatiques :

« Les acteurs non étatiques – les industries, les institutions financières, les villes et les régions – ont un rôle essentiel à jouer pour amener le monde à atteindre zéro émission nette au plus tard en 2050. Soit ils contribueront à renforcer l’ambition et les actions dont nous avons besoin pour garantir une planète durable, soit ils augmenteront fortement la probabilité d’échec. »

« Le gouvernement canadien devrait établir des normes et prendre des mesures contre l’écoblanchiment, non seulement pour le bien des consommateurs et de la planète, mais aussi pour que notre marché ne soit pas faussé par des déclarations environnementales fausses ou susceptibles de prêter à confusion. Nous devrions suivre l’exemple de gouvernements, et celui de l’Union européenne, qui s’attaquent de front à l’écoblanchiment. Nous devrions également permettre aux entreprises de faire progresser les objectifs climatiques par le biais de collaborations légalement encadrées. La réforme actuelle de la Loi sur la concurrence est l’occasion idéale pour le faire. »

Lire le mémoire du CQDE, de l’ACME et d’Équiterre ici. [En anglais seulement]

Lire le mémoire du Centre du droit de l’environnement de l’Université de Victoria, appuyé par Équiterre, ici. [En anglais seulement]

Lire le mémoire d’Ecojustice et de l’ACME ici. [En anglais seulement]