Monsieur Reid,

Le Centre québécois du droit de l’environnement (CQDE) est un organisme à but non lucratif offrant une expertise indépendante en matière de droit de l’environnement au Québec. À travers son mandat, le CQDE agit afin de favoriser l’accès à l’information en matière environnementale.

Le CQDE souhaite par la présente exprimer sa vive préoccupation concernant la lettre du 14 septembre 2018 (Lettre) transmise à Équiterre par la Direction des affaires juridiques du Directeur général des élections du Québec (DGEQ).

Dans cette Lettre, le DGEQ demande à Équiterre de « retirer de [son] site Web tout lien ou document référant aux positions des partis politiques sur [ses] propositions environnementales ».

Rappelons qu’Équiterre et 10 autres groupes environnementaux et citoyens ont transmis à quatre formations politiques présentes à l’Assemblée nationale avant sa dissolution 23 propositions en matière d’environnement, de transport et d’aménagement du territoire, demandant aux formations politiques de préciser dans quelle mesure elles acceptaient d’inclure ces propositions à leur plateforme électorale.

Selon notre compréhension de la Lettre, constituerait une dépense électorale la publication sur un site Web d’un document qui « diffuse et compare les programmes ou politiques de quatre partis eu égard à l’enjeu de l’environnement », et ce, même si une telle publication ne ferait que reproduire intégralement les informations publiques fournies volontairement par les partis politiques eux-mêmes. La Lettre laisse entendre qu’en vertu du paragraphe 402 (2o) de la Loi électorale[1], il s’agirait d’une dépense électorale même si la publication ne favorise ou défavorise aucunement l’élection d’un candidat ou celles des candidats d’un parti. En d’autres mots, le seul fait de « diffuser » ces informations sur un site Web constituerait une dépense électorale.

Le CQDE souhaite exprimer son désaccord et sa profonde inquiétude face à une telle interprétation de la Loi électorale.

Cette interprétation porte atteinte à la liberté d’expression, laquelle est protégée par l’article 2 de la Charte canadienne des droits et libertés et l’article 3 de la Charte des droits et libertés de la personne. Une telle interprétation ne nous semble pas atteindre le nécessaire équilibre entre, d’une part, la liberté d’expression protégée par les Chartes, et d’autre part, l’objectif de la Loi électorale de prévenir que des coûts soient engagés par des tiers pour favoriser ou défavoriser l’élection d’un candidat ou celles des candidats d’un parti.

Selon nous, la publication d’un document qui reproduit intégralement des informations fournies volontairement par les partis est un outil utile qui encourage la participation citoyenne au processus électoral, ce qui s’aligne d’ailleurs avec le mandat de « promotion des valeurs démocratiques de la société québécoise » du DGEQ.

Le CQDE rappelle la nécessité de protéger la liberté d’expression à titre de fondement essentiel de toute société démocratique. Par ailleurs, tout individu devrait pouvoir accéder à des informations lui permettant de former et d’exprimer une opinion éclairée sur des enjeux environnementaux.

Le CQDE réitère l’importance de faciliter l’accès à l’information en matière environnementale et appelle le DGEQ à revoir son interprétation de la Loi électorale à la lumière des propos contenus à la présente.

Veuillez accepter, Monsieur Reid, l’expression de mes sincères salutations.

Geneviève Paul,

Directrice générale


[1] RLRQ, c. E-3.3.