À l’occasion de la semaine internationale des droits des femmes, Geneviève Paul, directrice générale du CQDE, évoque le parcours de femmes inspirantes qui ont croisé sa route et le rôle des femmes pour la protection de l’environnement.

Quelles femmes ont été une source d’inspiration et ont renforcé ton envie de t’engager pour l’environnement et les droits humains ?

J’ai eu la chance de côtoyer (et d’être inspirée!) par de nombreuses femmes.

Chez nous, la lecture il y a plusieurs années de l’essai « Acheter c’est voter » de l’écosociologue Laure Waridel (qu’on ne présente plus!) a allumé en moi une flamme d’indignation qui m’a incité à me tourner vers l’action et qui aura contribué à mon envie d’œuvrer pour une mondialisation véritablement humaine et respectueuse de nos écosystèmes. Merci, chère Laure: c’est un privilège de pouvoir travailler à tes côtés pour une véritable transition écologique au Québec!

Je pense aussi à Syeda Rizwana Hasan, avocate et directrice de la Bangladesh Environmental Law Association, sorte d’organisation sœur du CQDE! Détrempée par la saison de la mousson alors très forte à Dacca, c’est vêtue de l’un de ses salwar kameez qu’elle venait gentiment de me prêter que j’ai eu la chance de l’écouter me partager sa vision sur la justice environnementale qui l’a menée jusqu’au plus haut tribunal du pays. Son travail juridique sur le démantèlement des navires en fin de vie – une industrie entachée par la corruption et reconnue pour ses impacts environnementaux et le recours au travail des enfants- lui aura d’ailleurs valu de nombreuses menaces… Une femme brillante et courageuse dont je garde un vif souvenir!

Quelques années plus tard, j’ai eu la chance de rencontrer Miriam Miranda, militante hondurienne, leader de la Black Fraternal Organization of Honduras (OFRANEH) qui, en plus de ses convictions féministes, met une énergie et une détermination remarquable dans la protection des ressources naturelles et des droits fonciers de la Communauté Garifuna. Devant des dizaines de défenseur.es des droits réuni.es pour discuter stratégies, elle nous a partagé les actions entreprises par son organisation pour exiger le respect des droits de sa communauté face à des projets de développement touristique menaçant la jouissance de la propriété collective des terres. Leurs efforts ont même mené à une reconnaissance, par la Cour interaméricaine des droits de l’Homme, de la responsabilité du Honduras dans la violation du droit à la propriété collective. Se faisant la porte-parole d’un peuple victime d’assassinats, d’enlèvements et d’intimidation, elle-même menacée de mort pour son travail de défense des droits, le ton de sa voix, à la fois déterminée et tremblante, résonne encore dans ma poitrine… 

De Vilma Núñez, infatigable avocate nicaraguayenne, militante des droits humains et fondatrice du Centre nicaraguayen des droits humains à Tolekan Ismailova, défenseure kirghize des droits humains et directrice de Bir Duino Kirghizistan en passant par Debbie Stothard, fondatrice du Réseau alternatif ASEAN sur la Birmanie et les Mères au front, partout à travers le monde, des femmes se mobilisent pour protéger l’environnement et exiger le respect des droits de toutes et tous. Ces femmes sont pour moi une source d’inspiration quotidienne.

Y a-t-il un lien entre la défense de l’environnement et les droits des femmes ?

Sans aucun doute ! Catastrophes naturelles, bouleversements climatiques, raréfaction des  ressources: les femmes – et notamment les femmes autochtones, noires et racisées – demeurent les plus touchées par les impacts environnementaux, comme en témoignent de (trop) nombreuses études. Pour ne citer qu’un exemple, les Nations Unies indiquent que les femmes sont 14 fois (!) plus susceptibles de mourir lors de catastrophes naturelles que les hommes, en raison des inégalités dont elles sont victimes.

En parallèle, les femmes font preuve d’un leadership incontestable. Elles sont très souvent en première ligne des actions de défense de l’environnement, parfois au risque de leur vie et avec tous les obstacles qu’elles vivent déjà simplement en raison du fait d’être femme. En 2020 seulement, on dénombre 114 attaques à l’égard de femmes ayant défendu leur communauté pour exiger le respect de leur territoire et de l’environnement.  

À travers des enquêtes – par exemple sur des mégaprojets, l’exploitation de ressources minières ou pétrolières en Amérique latine ou sur l’exploitation de plantations de caoutchouc en Asie, j’ai pu constater les conséquences disproportionnées que subissent les femmes face à la dégradation de l’environnement. La défense de l’environnement ne peut être dissociée de la bataille pour l’égalité. On ne peut agir pour les droits environnementaux sans agir pour les droits des femmes. Adopter une approche écoféministe comme solution à la crise climatique et écologique bénéficierait à l’ensemble de la société.

Crédit visuel :

Amplify Women’s Voices – Artist: Cecilia Castelli – Italy

https://thegreats.co/artworks/amplify-womens-voices