Face à la crise climatique, à la crise de la biodiversité et aux autres menaces qui pèsent sur le monde naturel, des réponses juridiques peuvent constituer un moyen de défense important. La reconnaissance juridique d’un droit à un environnement sain est un outil qui peut contribuer à la protection de l’environnement. 

La reconnaissance du droit à un environnement sain est apparue il y a environ 50 ans et s’est généralisée au niveau international. Il a fait son entrée au Québec en 1978 dans le préambule de la Loi sur la qualité de l’environnement, puis en 2006 comme droit reconnu par la Charte des droits et libertés de la personne. Au niveau fédéral, ce droit vient tout juste d’être reconnu dans la loi canadienne, en juin 2023. Cet article examine le contenu du droit à un environnement sain, les protections qu’il offre et les domaines qui restent à définir.

Qu’est-ce qu’un droit à un environnement sain? 

Ce droit est formulé différemment selon les juridictions, mais en général, il « protège les éléments de l’environnement naturel qui permettent une vie digne. » (Source : Union nationale pour la conservation de la nature).

Le droit est souvent défini comme incluant à la fois des aspects substantiels et procéduraux. En substance, il s’agit du droit à un air pur, à un climat sûr, l’accès à l’eau potable, des environnements non toxiques pour vivre, et une biodiversité et des écosystèmes sains. Du côté procédural, il s’agit de garantir l’accès à l’information,  la participation du public et  l’accès à la justice.

D’où vient ce droit? 

La naissance d’un droit à un environnement sain peut être identifiée par la Déclaration adoptée par la conférence de Stockholm sur l’environnement humain, tenue en 1972. Le premier principe de cette déclaration indique que  : « L’homme a un droit fondamental à la liberté, à l’égalité et à des conditions de vie satisfaisantes, dans un environnement dont la qualité lui permette de vivre dans la dignité et le bien-être ». À la suite de cette déclaration, ce droit s’est propagé largement.

Des exemples à l’international 

À l’international, plus de 100 États ont reconnu ce droit de manière constitutionnelle, lui procurant ainsi une force supérieure à un droit reconnu dans une loi ordinaire. Près de 160 autres pays l’ont intégré d’une manière ou d’une autre à leur droit.

Depuis juillet 2022, les Nations unies et le Haut Commissariat des Nations unies reconnaissent par résolution que le droit à un environnement sain est un droit humain. Ces institutions internationales appellent les nations à l’intégrer à leur droit. 

La Charte africaine des droits de l’homme et des peuples de 1981 prévoit que « tous les peuples ont droit à un environnement satisfaisant et global, propice à leur développement ».

En France, le Conseil d’Etat a récemment reconnu que « Le droit de chacun de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé constitue une liberté fondamentale comme le proclame la Charte de l’environnement.»

Le droit à un environnement sain en droit québécois

Au Québec, le droit à un environnement sain est consacré depuis 2006 à l’article 46.1 de la Charte des droits et libertés de la personne. La Charte québécoise reconnaît ainsi, dans une certaine mesure, le droit de toute personne de «vivre dans un environnement sain et respectueux de la biodiversité». 

La Loi sur la qualité de l’environnement reconnaît aussi, depuis 1978, le droit de toute personne à «la qualité de l’environnement, à sa protection et à la sauvegarde des espèces vivantes qui y habitent », mais seulement dans la mesure prévue par cette loi et ses règlements.

Limite du droit à un environnement sain en droit québécois

Le droit à un environnement sain au Québec est limité par la mention  « dans la mesure et suivant les normes prévues par la loi ». Cela veut dire qu’il est dans les faits possible de porter atteinte à ce droit si une loi encadre cette atteinte. À titre d’exemple, la Loi sur la qualité de l’environnement encadre la réalisation d’activités et de projets qui émettent des contaminants et portent atteinte, dans une certaine mesure, à l’environnement. Les autorisations délivrées par le ministère de l’Environnement ou par le gouvernement pourraient être considérées comme portant atteinte au droit à un environnement sain prévu à la Charte québécoise. Ainsi, le droit à un environnement sain est reconnu au Québec, mais n’a pas de valeur supra législative. Cela signifie que sa portée dépend fortement des autres lois du Québec.

Le droit à un environnement sain au Canada

Au niveau fédéral, le droit à un environnement sain n’est pas reconnu par la Charte canadienne des droits et libertés et ne bénéficie pas d’une protection constitutionnelle.

Toutefois, la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999) a bénéficié d’une importante modernisation en juin 2023 afin, notamment, de reconnaître le droit de « tout particulier au Canada» à un environnement sain. Bien que ce droit puisse influencer les interprétations à venir, il sera assujetti à des limites qui ne sont pas encore connues. En effet, les nouveaux articles de loi prévoient que le cadre de mise en œuvre sera défini dans les deux prochaines années. Celui-ci devra prendre en compte les principes de non-régression et de justice environnementale, notamment en prévenant les effets nocifs touchant de façon disproportionnée les populations vulnérables. Le cadre précisera également comment sera mis en balance le droit à un environnement sain face à divers facteurs sociaux, économiques, scientifiques et relatifs à la santé. Ainsi, la portée de ce nouveau droit à un environnement sain reste à définir. 

Au niveau provincial, l’Ontario reconnaît également un droit à un environnement sain dans sa loi. Pour leur part, les Territoires du Nord-Ouest, le Yukon et le Nunavut ont également chacun une législation qui prévoit un droit à un environnement sain.. Ce n’est pas le cas, pour l’instant, dans les autres provinces.

Pourquoi est-il important? 

Le droit à un environnement sain sert à protéger l’environnement, mais il est d’abord et avant tout destiné à bénéficier aux êtres humains en leur reconnaissant le droit de vivre dans un environnement qui contribue à leur santé et leur bien-être, tant physique que psychologique.

Ce droit a donc le potentiel d’influencer les recours judiciaires environnementaux et climatiques. Dans d’autres juridictions, il est d’ailleurs utilisé pour traiter de la pollution et de l’eau potable, et pour réclamer des dommages et intérêts contre des pollueurs.

D’autres façons de protéger l’environnement

Le droit à un environnement sain n’est pas le seul outil juridique disponible : d’autres voies sont également envisagées pour protéger l’environnement, notamment la proposition d’établir le crime d’écocide et la reconnaissance des droits de la nature, ce qui a été fait dans des pays comme la Nouvelle-Zélande et l’Équateur. Toutefois, ces stratégies doivent être considérées comme des compléments et non comme des substituts. Ces deux exemples protègent uniquement la nature, mais le droit à un environnement sain reconnaît l’importance de l’environnement pour les personnes.


Attention:  Cet article présente le droit en vigueur au Québec et est fourni à titre informatif uniquement. Il ne constitue pas un avis juridique et ne devrait pas être interprété comme tel. Pour obtenir des conseils juridiques, vous pouvez consulter un·e avocat·e ou un·e notaire. Pour obtenir de l’information juridique, vous pouvez contacter les juristes du CQDE.  

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