En droit québécois, le principe d’accès à la justice permet à la population d’agir légalement pour la protection de l’environnement. Ce principe s’illustre principalement par deux moyens concrets : les mesures de suivi pour l’application des normes environnementales et les actions judiciaires.

Les actions judiciaires

Quand on constate une atteinte à l’environnement, il est possible de saisir les tribunaux pour demander que cesse cette atteinte ou pour demander une réparation pour les dommages subis. Ces actions judiciaires peuvent être entreprises contre des personnes, des entreprises ou contre les autorités publiques (ministères, municipalités, sociétés d’État, etc.). Voici certaines des actions judiciaires possibles en droit québécois: l’injonction, le pourvoi en contrôle judiciaire, le recours civil en responsabilité extracontractuelle, le recours civil en troubles de voisinage et l’action collective.

L’injonction

Qu’est-ce que c’est?

L’injonction peut être utilisée à différentes fins. Elle peut servir à empêcher une personne d’agir d’une certaine façon ou à faire cesser une action déjà commencée. Une injonction peut par exemple être demandée pour que des travaux soient arrêtés. L’injonction peut également être demandée afin de forcer une personne à accomplir une action (injonction mandatoire).

Une demande en injonction peut être faite seule ou peut être combinée à une autre demande. Dans le deuxième cas, on dira que l’injonction est accessoire à un recours. À titre d’exemple, une injonction peut être demandée conjointement avec une demande pour obtenir une compensation pour des dommages subis. 

Un jugement en injonction peut avoir une durée plus ou moins longue. Une injonction provisoire peut être demandée pour un maximum de 10 jours. Une injonction provisoire est demandée lorsqu’il y a une urgence immédiate. L’injonction interlocutoire crée de son côté des effets pour toute la durée des procédures judiciaires.

Quand et pourquoi l’utiliser?

Dans une optique environnementale, cette action judiciaire est utile pour empêcher une personne d’effectuer ou de poursuivre une action qui est dommageable pour l’environnement

Pour demander une injonction, il est nécessaire de démontrer :

  • Une apparence de droit
  • Qu’il est nécessaire d’accorder l’injonction pour empêcher un préjudice irréparable
  • Que les inconvénients qui seraient créés par l’émission de l’injonction sont moins grands que ceux qui résulteraient de l’absence d’intervention du tribunal. Si une norme objective est dépassée (par exemple, une limite d’émission d’un polluant qui est chiffrée), on considérera d’emblée que la balance des inconvénients favorise l’émission de l’injonction. 

La Loi sur la qualité de l’environnement prévoit spécifiquement un droit à l’injonction dans les situations de  non-respect de l’un des éléments suivants : 

  • la loi  
  • un règlement 
  • une condition prévue à une autorisation délivrée par le ministre de l’Environnement

L’injonction prévue à la Loi sur la qualité de l’environnement peut être demandée par toute personne physique qui fréquente le lieu où se produit l’action dommageable à l’environnement ou son voisinage immédiat

Puisque les tribunaux ont précisé qu’une simple atteinte hypothétique au droit à la qualité de l’environnement n’est pas pas suffisante pour autoriser l’injonction, il faut un haut degré de probabilité que le dommage soit causé pour qu’elle soit émise.

Exemple

En 2014, les travaux de forage prévus par TransCanada pour son projet de port pétrolier à Cacouna ne respectaient pas les lois environnementales du Québec et menaçaient la survie du béluga du Saint-Laurent. Le Centre québécois du droit de l’environnement et d’autres groupes environnementaux ont alors demandé au tribunal de suspendre les travaux par voie d’injonction.

Le pourvoi en contrôle judiciaire

Qu’est-ce que c’est?

Il s’agit de la mise en œuvre du pouvoir de surveillance de la Cour qui vise à assurer que les actes de l’État sont toujours exercés dans les limites de ses pouvoirs. Ce recours est utilisé lorsque le gouvernement agit en défaut ou en excès de sa compétence, par exemple lorsqu’il prend une décision alors que la loi ne lui donne pas ce pouvoir.  

En principe, le citoyen peut demander un pourvoi en contrôle judiciaire seulement lorsqu’il n’existe plus de possibilité d’appel à un tribunal supérieur, c’est-à-dire lorsqu’il n’est pas possible de demander à une autre juridiction de réévaluer la décision initiale.

Quand et pourquoi l’utiliser?

Le pourvoi en contrôle judiciaire permet 3 types de conclusions:

  • Conclusion déclaratoire en nullité de mesures générales : elle vise à rendre une règle de droit inapplicable à la situation particulière qui fait l’objet du litige, inopérante, (c’est-à-dire privée d’effets jusqu’à temps qu’elle soit rectifiée par le législateur), ou tout simplement invalide. 
  • Conclusion se rapportant à un jugement ou à une décision à portée individuelle: vise à réviser ou annuler une décision déjà rendue à l’égard du demandeur.
  • Conclusion mandatoire: vise à obliger les fonctionnaires à faire ou à s’abstenir de faire quelque chose qui est prévu par la loi. Il s’agit en quelque sorte d’une injonction à l’égard des actions de l’État.

Exemple 

En 2014, la ministre fédérale de l’Environnement refusait de recommander l’adoption d’un décret d’urgence pour la protection de l’habitat essentiel de la rainette faux-grillon à La Prairie, alors que la Loi sur les espèces en péril l’obligeait à le faire dans les circonstances. Nature Québec et le Centre québécois du droit de l’environnement ont présenté une demande de contrôle judiciaire devant la Cour fédérale  pour forcer la Ministre à agir conformément à la Loi.

Le recours civil en responsabilité extracontractuelle

Qu’est-ce que c’est?

La responsabilité extracontractuelle se base sur le devoir général de réparer une faute qui a causé un préjudice à autrui. Le citoyen qui veut intenter ce recours doit être en mesure de prouver que quelqu’un a commis une faute, et que cette faute lui a causé (lien de causalité) un préjudice.

On parle d’une responsabilité extracontractuelle quand aucun contrat n’existe entre les personnes. 

Quand et pourquoi l’utiliser?

Le recours en responsabilité extracontractuelle est utilisé dans le but d’obtenir une réparation monétaire, sous forme de dommages-intérêts qui compenseront le préjudice subi par la partie requérante.

Le recours civil en troubles de voisinage

Qu’est-ce que c’est?

Cette action judiciaire permet de se faire indemniser pour des inconvénients produits par le voisinage qui seraient considérés anormaux ou excessifs (par exemple, perte de jouissance de la résidence en raison du bruit, des odeurs, de la poussière, etc.). Les troubles doivent être subis par les «voisins» de la source de ces inconvénients, ce qui inclut notamment les locataires, propriétaires fonciers et voisins dans un rayon de plusieurs kilomètres.

Le citoyen qui veut intenter ce recours doit simplement établir qu’il subit des inconvénients anormaux ou excessifs, c’est-à-dire qu’ils dépassent ce qu’on attendrait normalement de voisins dans ce secteur. Il n’est donc pas nécessaire de prouver qu’une faute a été commise par son auteur. Le respect des normes établies par la loi ou les règlements n’est pas une défense valable. 

Quand et pourquoi l’utiliser?

Le recours en troubles de voisinage est utilisé dans le but d’obtenir des dommages-intérêts indemnisant les inconvénients. Il est fréquent d’invoquer à la fois la responsabilité extracontractuelle et les troubles de voisinage dans une même poursuite pour maximiser les chances d’obtenir gain de cause

Exemple

Dans l’affaire Ciment du Saint-Laurent c. Barrette, des résidents de la municipalité de Beauport ont entrepris une action collective en troubles de voisinage contre la compagnie Ciment du St-Laurent pour des problèmes de poussière, d’odeur et de bruits. La Cour suprême du Canada a confirmé la responsabilité de la cimenterie, et ce, même si elle s’était conformée à la Loi. Le Centre québécois du droit de l’environnement a agi à titre d’intervenant devant la Cour suprême du Canada.

L’action collective

Qu’est-ce que c’est?

L’action collective, autrefois appelée recours collectif, est une procédure qui permet à une personne d’en représenter des dizaines, des centaines ou des milliers d’autres qui vivent le même problème, afin que toutes obtiennent une réparation. En fait, il s’agit des recours mentionnés précédemment, mais entrepris de façon collective plutôt qu’individuelle. 

Pourquoi l’utiliser?

L’effet collectif a souvent un effet dissuasif plus puissant que l’action individuelle. De plus, l’action collective permet aux justiciables d’unir leurs forces et ainsi d’accéder plus facilement à la justice. Cependant, le juge doit autoriser l’action collective avant qu’elle puisse être entendue sur le fond. Les conditions à remplir pour obtenir cette autorisation sont précisées dans le Code de procédure civile.

Le jugement déclaratoire

Qu’est-ce que c’est?

Une personne ou un groupe peut demander à la Cour supérieure de trancher une question juridique, sans nécessairement qu’il y ait de litige. Cette question doit comporter une difficulté réelle : elle peut concerner l’état du demandeur ou un droit, un pouvoir, ou une obligation qui résulte d’un acte juridique.

Pourquoi et quand l’utiliser?

Le jugement déclaratoire offre une réponse à une question juridique réelle et concrète, et non simplement hypothétique. En d’autres mots, ce recours permet en quelque sorte d’obtenir l’opinion contraignant d’un juge sur l’état du droit concernant un enjeu spécifique. 

Exemple

La compagnie albertaine TransCanada refusait de soumettre son projet à la procédure d’évaluation d’examen des impacts de la LQE, soutenant que les pipelines interprovinciaux relevaient de la compétence fédérale et n’étaient pas soumis aux exigences des lois provinciales. En 2016, le Centre québécois du droit de l’environnement, Nature Québec, Fondation Coule pas Chez Nous et un citoyen ont déposé une demande de jugement déclaratoire pour faire déclarer par le tribunal que le projet oléoduc Énergie Est devait suivre la procédure prévue aux articles 31.1 et suivants de la LQE.


Attention:  Cet article présente le droit en vigueur au Québec et est fourni à titre informatif uniquement. Il ne constitue pas un avis juridique et ne devrait pas être interprété comme tel. Pour obtenir des conseils juridiques, vous pouvez consulter un·e avocat·e ou un·e notaire. Pour obtenir de l’information juridique, vous pouvez contacter les juristes du CQDE.  

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