Au Canada, les compétences en matière de protection de l’environnement sont partagées entre les législatures fédérale et provinciales. Un courant jurisprudentiel de plus en plus fort vient affirmer la compétence des municipalités et le rôle qu’elles doivent jouer dans la protection de l’environnement. Cette compétence découle notamment du principe de subsidiarité. 

Le principe de subsidiarité en quelques mots

Le principe de subsidiarité implique que le niveau de gouvernement le mieux placé pour agir devrait être celui qui adopte et met en œuvre une loi ou un règlement. Un palier de gouvernement serait considéré comme étant le mieux placé selon deux principaux critères : son niveau de proximité avec l’enjeu et l’efficacité de son action. Cela signifie que les municipalités peuvent, et devraient, adopter des règlements sur certaines matières de manière à répondre à des préoccupations citoyennes particulières ou à des problématiques locales.

Le principe de subsidiarité en droit canadien

Dans le jugement Spraytech rendu en 2001, la Cour suprême du Canada a affirmé l’importance du principe de subsidiarité. Par la même occasion, le plus haut tribunal du Canada a confirmé le pouvoir des municipalités d’adopter des lois et des règlements pour assurer la protection de l’environnement sur leur territoire.

Les faits qui ont mené à un recours devant les tribunaux sont les suivants. La ville d’Hudson avait adopté en 1991 le règlement 270 limitant l’utilisation des pesticides sur son territoire à des endroits précis et pour des activités précises. La municipalité a adopté ce règlement pour protéger la santé et assurer le bien-être de la population, alors que plusieurs personnes s’inquiétaient des impacts néfastes potentiels des pesticides. L’entreprise Spraytech, dont la principale activité était l’entretien des pelouses et l’aménagement paysager, a été accusée en 1992 d’avoir utilisé des pesticides à des endroits non autorisés et, par conséquent, d’avoir contrevenu au règlement 270. La compagnie a contesté la validité du règlement municipal. 

La Cour suprême a conclu à la validité du règlement adopté par la Ville pour limiter l’utilisation des pesticides puisque le règlement pouvait s’appliquer en toute conformité avec les lois fédérales et provinciales qui encadrent l’utilisation des pesticides. Cette décision vient ainsi mettre en lumière le fait que tous les paliers de gouvernement peuvent adopter des lois en matière de protection de l’environnement. En d’autres mots, la Cour a confirmé que le pouvoir général des municipalités d’adopter des règlements sur le bien-être et la santé justifiait l’adoption du règlement limitant l’utilisation des pesticides parce que la protection de l’environnement constituait un objectif légitime en lien avec ce pouvoir. Il s’agit d’une illustration de la manière dont peut s’opérer  le principe de subsidiarité dans le meilleur intérêt de tous, laissant au palier de gouvernement le plus apte à résoudre un problème donné le pouvoir de le faire.

Cela étant dit, le principe de subsidiarité s’applique dans le respect du partage des compétences. Ainsi, les municipalités peuvent adopter des règlements seulement sur des matières relevant des compétences provinciales puisque celles-ci sont créées par les provinces. De plus, la réglementation adoptée par une municipalité ne peut entrer en conflit avec une loi provinciale ou fédérale. En cas de conflit, la loi provinciale ou fédérale aura toujours préséance. 

Le principe de subsidiarité aujourd’hui

Depuis l’arrêt Spraytech, l’importance du principe de subsidiarité a été réaffirmée en 2006 au Québec dans la Loi sur le développement durable. Cette loi définit le principe de subsidiarité ainsi :  

les pouvoirs et les responsabilités doivent être délégués au niveau approprié d’autorité. Une répartition adéquate des lieux de décision doit être recherchée, en ayant le souci de les rapprocher le plus possible des citoyens et des communautés concernés.

Les municipalités comme gouvernement de proximité

Depuis 2017, les municipalités ont un nouveau statut, soit celui de gouvernement de proximité. À la suite d’une modification législative, le gouvernement du Québec leur a donné ce nouveau statut dans une tentative d’augmenter leurs pouvoirs et leur autonomie. Ces modifications législatives octroient de nouveaux pouvoirs aux municipalités spécialement en matière d’urbanisme, de zonage, de taxation et de diffusion de l’information. 

Les municipalités représentent le palier de gouvernement le plus proche de la population. Par conséquent, il semble justifié qu’elles disposent d’un pouvoir pour adopter des règlements en matière de zonage ou de protection de l’eau, notamment afin de répondre à des problématiques liées à la situation particulière de la région et à des préoccupations citoyennes. 

Ristigouche : la réaffirmation du principe de subsidiarité

Dans le jugement Ristigouche rendu en 2018,  la Cour supérieure réaffirme l’application du principe de subsidiarité. Dans cette affaire, l’entreprise Gastem réclamait des dommages et intérêts à la municipalité de Ristigouche qui avait adopté un règlement ayant pour objet d’imposer une norme plus sévère pour la distance devant séparer un site de forage d’un puits artésien ou de surface. Gastem prétendait que le règlement avait été adopté spécifiquement pour empêcher ses activités d’exploration pétrolière sur le territoire de la municipalité. La Cour supérieure a débouté Gastem, en précisant que le règlement était le résultat d’un travail sérieux venant répondre aux préoccupations des citoyen·nes de la municipalité.

La Cour rappelle que l’intérêt public, le bien-être collectif et la sécurité des citoyen·nes doivent être considérés dans tous les projets introduits dans une municipalité. La Cour ajoute que les municipalités sont désormais reconnues en tant que palier de gouvernement et qu’à ce titre, elles doivent assumer leurs responsabilités pour protéger l’environnement sur leur territoire en respect du principe de subsidiarité.

Cette décision confirme la possibilité d’agir des municipalités en matière de protection de l’environnement. Ce pouvoir offre à la population la possibilité d’exprimer leurs préoccupations de nature environnementale à un acteur public proche de celle-ci. De plus, les municipalités peuvent intervenir dans le but d’appliquer efficacement les principes de prévention et de précaution, ce qui fait d’elles des actrices clés en matière de protection de l’environnement.

Conclusion

Les tribunaux québécois ont, au cours des dernières années, été de plus en plus ouverts aux actions des municipalités en matière de protection de l’environnement, notamment pour la protection des berges, des milieux naturels ou des milieux de villégiature, pour ne nommer que quelques exemples.

Il faut toutefois rappeler que le principe de subsidiarité ne confère pas aux municipalités un pouvoir illimité. En principe, celles-ci peuvent exercer un pouvoir réglementaire uniquement si ce pouvoir leur est explicitement accordé dans une loi ou dans un règlement. De plus, elles ne peuvent légiférer que dans les champs de compétence réservés aux provinces. Elles ne peuvent donc pas par exemple empêcher la navigation sur un cours d’eau puisque la navigation est une compétence fédérale. 


Attention : Cet article présente le droit en vigueur au Québec et est fourni à titre informatif uniquement. Il ne constitue pas un avis juridique et ne devrait pas être interprété comme tel. Pour connaître les règles particulières à votre situation, consultez un avocat·e.

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