Dans la foulée des inondations printanières survenues au Québec en 2017 et 2019, le gouvernement du Québec a pris l’initiative de réformer le cadre légal régissant les zones inondables et les milieux humides et hydriques. Il a notamment adopté le projet de loi 67 qui a entre autres pour effet d’abroger la Politique de protection des rives, du littoral et des plaines inondables et d’instaurer un nouveau régime d’encadrement des activités effectuées dans les milieux humides et hydriques en fonction de leur impact sur l’environnement

Voici une introduction aux effets de ce  cadre légal instauré par la réforme débutée en 2017 avec la Loi concernant la conservation des milieux humides et hydriques et poursuivi avec le projet de loi 67 adopté en 2021 sur la protection des rives. 

Une rive, c’est quoi selon la Loi ?

La réforme engagée par le projet de loi 67 redéfinit la notion de « rive » contenue dans la Politique de protection des rives, du littoral et des plaines inondables. Désormais, une rive est l’une des composante d’un milieu humide ou hydrique au sens de la Loi sur la qualité de l’environnement. Elle correspond à une partie du territoire qui borde un lac ou un cours d’eau et qui est d’une largeur de 10 ou de 15 mètres, selon la topographie du terrain, calculé à partir de la limite du littoral vers l’intérieur des terres

MINISTÈRE DE L’ENVIRONNEMENT ET DE LA LUTTE CONTRE LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES, Aide-mémoire – Méthodes de délimitation des rives, Gouvernement du Québec, 2022, p. 4.

 

L’une des nouveauté de cette réforme est que la limite du littoral doit désormais être déterminée selon les résultats d’une étude éco-géomorphologique ou d’une étude botanique experte lorsqu’il n’y a pas d’ouvrage de retenue des eaux ou de mur de soutènement sur le site. La délimitation de la rive est donc moins arbitraire qu’avant puisqu’elle se base sur des données scientifiques.

Quel est le rôle de la rive dans la protection de l’environnement?

La rive est une zone de transition entre le milieu aquatique d’un cours d’eau ou d’un lac et le milieu terrestre. Elle regroupe donc sur une petite superficie une grande diversité de plantes et d’animaux issus d’un écosystème aquatique, riverain et terrestre. Il s’agit d’un habitat pour plusieurs espèces animales, d’un lieu de nidification et de reproduction

Une rive végétalisée crée aussi une barrière pour retenir les sédiments, protège l’étendue d’eau contre l’érosion des sols, agit comme filtre et brise-vent, en plus de créer de l’ombrage pour éviter le réchauffement excessif de l’eau. Elle régule aussi le cycle naturel de l’eau en interceptant notamment l’eau de pluie et en contrôlant l’évaporation de l’eau. Cela régule la crue des eaux et prévient donc les inondations. Enfin, une rive végétalisée contribue à créer un paysage naturel et esthétique

Bref, il y a de nombreux bienfaits d’un point de vue environnemental et esthétique à limiter le déboisement, les travaux et les constructions dans les rives.

Comment les rives seront-elles protégées ?

Sous l’ancien régime de la Politique de protection des rives, du littoral et des plaines inondables, les activités étaient régies en fonction de leur localisation dans une rive, le littoral ou une plaine inondable, et selon leur usage. Ainsi, les travaux, ouvrages ou constructions à des fins résidentielles étaient régis par les municipalités via leurs règlements de zonage et de lotissement. Ces activités n’avaient pas à obtenir une autorisation ministérielle

Suivant la réforme de la Loi sur la qualité de l’environnement, les activités situées dans les milieux humides et hydriques sont désormais encadrées selon leur niveau d’impact environnemental. Ainsi, plus l’impact environnemental d’une activité est grand, plus l’activité est encadrée et réglementée pour limiter les pertes de milieux humides et hydriques. Le ministre de l’Environnement peut aussi exiger des compensations financières lorsque l’atteinte à ces milieux est inévitable

Sous ce régime, les pouvoirs et les responsabilités en matière de gestion et de protection des rives se répartissent entre les ministères provinciaux, les organismes de bassins versants, les municipalités régionales de comté (MRC) et les municipalités locales. L’objectif de cette réforme est donc d’avoir une gestion intégrée des activités par bassin versant en assurant l’harmonisation des règles en matière d’aménagement et d’urbanisme et en matière d’autorisation environnementale

Quels sont les rôles et pouvoirs des MRC et des municipalités dans la protection des rives?

Les organismes de bassins versants ou des tables de concertation régionale doivent élaborer un plan directeur de l’eau ou un plan de gestion intégrée pour chaque unité hydrographique.  Cette obligation vise à assurer la conservation de la ressource en eau et des milieux qui lui sont associés.

Rôles et pouvoirs des MRC

Les MRC ont quant à elles un rôle de surveillance et de gestion. Elles doivent depuis 2017 élaborer et mettre en oeuvre un plan régional des milieux humides et hydriques. Ce plan doit notamment identifier les milieux humides et hydriques et contenir un plan d’action pour assurer leur gestion et leur protection

Les MRC ont de plus l’obligation de produire un schéma d’aménagement et de développement. Ce schéma doit identifier les milieux humides et hydriques. Les MRC doivent aussi prévoir des règles dans le document complémentaire au schéma d’aménagement et de développement pour assurer la protection de ces milieux. Ces règles doivent être respectées par les municipalités qui se situent sur leur territoire. La MRC peut également adopter des règlements concernant notamment l’abattage d’arbres ou la stabilisation des berges

Le schéma d’aménagement et de développement et le plan régional des milieux humides et hydriques d’une MRC doivent être cohérents. Ainsi, si le plan régional des milieux humides et hydriques identifie un milieu hydrique dans une situation critique, le schéma d’aménagement de la MRC pourrait prévoir une zone de conservation autour de celui-ci. Les municipalités devront alors interdire dans leurs règlements les constructions, travaux ou ouvrages qui risquent de porter atteinte à ce milieu.

Enfin, grâce au Projet de loi 67 adopté en 2021, les MRC héritent de nouveaux pouvoirs. Elles ont désormais un plus grand pouvoir de surveillance sur les municipalités de leur territoire afin de protéger les rives et pourront adopter un règlement de mise en oeuvre d’un plan de gestion des risques liés aux inondations.

Rôle et pouvoir des municipalités

Quant aux municipalités locales, cela fait plusieurs années qu’elles ont le pouvoir de régir les constructions, les ouvrages ou les usages faits dans une rive grâce à leur pouvoir en matière de zonage. Leur pouvoir est cependant très encadré, car elles doivent respecter les règles que leur MRC impose en matière de protection des rives

Les municipalités locales ont donc comme principal rôle d’assurer la surveillance des rives et de délivrer les autorisations nécessaires en conformité avec leur réglementation. Une personne qui fait des travaux non-conformes ou sans autorisation dans une rive pourrait donc recevoir une amende ou devoir cesser les travaux.

Qui plus est, en vertu du règlement de transition visant à mettre en oeuvre le projet de loi 67, les municipalités auront aussi la responsabilité de délivrer les autorisations nécessaires pour effectuer certains travaux dans la rive. Ces travaux sont : 

  • La construction d’un chemin non imperméabilisé, sous certaines conditions ;
  • La construction d’un ponceau d’une ouverture totale égale ou supérieure à 1,2 mètres et d’au plus 4,5 mètres, sous certaines conditions ;
  • La construction d’un ouvrage de stabilisation d’un talus, sous certaines conditions ;
  • L’établissement, la modification ou l’extension d’une conduite d’un système d’aqueduc, d’égout ou de gestion des eaux pluviales, ou d’un fossé et d’un exutoire, sous certaines conditions ;
  • L’aménagement d’un passage à gué d’une largeur d’au plus 7 mètres lorsque le passage est relié à un chemin ou à un sentier autre qu’un sentier servant à une activité d’aménagement forestier ;
  • La construction d’une structure d’une largeur d’au plus 5 mètres pour traverser un cours d’eau, sans appui ni stabilisation dans le littoral ;
  • La reconstruction d’un bâtiment résidentiel principal qui a subi des dommages à la suite d’un sinistre autre qu’une inondation ou une submersion, sous certaines conditions ;
  • L’agrandissement d’un bâtiment résidentiel principal, sous certaines conditions ;
  • La construction de bâtiments ou d’ouvrages accessoires à un bâtiment résidentiel principal, incluant les accès requis, sous certaines conditions.

Nouvelle limitation des pouvoirs municipaux

Enfin, il est important de noter que le Projet de loi 67 limite désormais les pouvoirs municipaux : les municipalités locales ne peuvent plus accorder certaines dérogations mineures pour des travaux ou des activités qui ont lieu dans une zone de contrainte environnementale, ce qui inclut les rives. La MRC a le pouvoir d’annuler une dérogation mineure validement octroyée dans une zone de contrainte environnementale si la dérogation porte notamment atteinte à la protection de l’environnement et si l’atténuation de cette atteinte n’est pas possible.

En résumé, quelles activités peuvent s’effectuer dans une rive ?

Il faut partir du principe qu’aucune activité ne devrait s’effectuer dans la rive d’un lac ou d’un cours d’eau. Si une intervention doit se faire, il faut alors s’assurer qu’elle est spécifiquement autorisée par la Loi sur la qualité de l’environnement ou l’un de ses règlements, et par les règlements municipaux. 


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