Il y a 5 ans, le projet de loi 102 proposant une réforme de la Loi sur la qualité de l’environnement (LQE) était adopté par l’Assemblée nationale. Il s’agissait de la première réforme en profondeur de la LQE depuis son entrée en vigueur en 1972. Cette réforme a permis plusieurs améliorations notables, bien que la Loi et l’application de celle-ci soulèvent encore plusieurs enjeux.

Après ces 5 ans, quels sont les constats du Centre québécois du droit de l’environnement sur cette réforme? Certains des commentaires formulés dans notre mémoire présenté à l’Assemblée nationale restent pertinents, alors que de nouvelles préoccupations se sont révélées au regard de la mise en œuvre des nouvelles dispositions de la LQE et de ses règlements. 

Accès à l’information

Tel qu’énoncé dans le Livre vert du ministre de l’Environnement en 2015, l’un des objectifs de la réforme de la LQE était d’améliorer l’accès à l’information pour le public. 

Les modifications apportées à la LQE en 2017 étaient pleines de promesses. Différentes dispositions de la LQE permettaient d’espérer un réel avancement en matière d’accès à l’information. À titre d’exemple, l’article 27 de la LQE prévoit que plusieurs documents comme  la description de l’activité, la description et la source des contaminants et l’autorisation ministérielle ont un caractère public. 

Cependant, l’article 118.5 de la LQE demeure le seul article qui n’est toujours pas en vigueur. Le registre sur les autorisations ministérielles n’a donc pas été mis en place et il est toujours nécessaire de faire une demande d’accès à l’information pour obtenir des documents qui devraient pourtant automatiquement être rendus publics en ligne.

Nous suivrons également de près comment sera interprétée et appliquée la notion de « secret industriel ou commercial confidentiel » introduite à l’article 23.1 LQE.

Changements climatiques

Lors de l’étude du projet de loi, les parlementaires ont discuté de l’opportunité d’ajouter un test climat dans la LQE. Cette proposition n’a malheureusement pas été retenue. Le texte de la LQE prévoit plutôt des pouvoirs discrétionnaires accordés au ministre de l’Environnement (art. 24 LQE) et au gouvernement (art. 31.1.1. LQE) afin de mieux prendre en compte les changements climatiques dans les processus d’encadrement des projets ayant un impact sur l’environnement. Cependant, comme il s’agit de pouvoirs discrétionnaires, les enjeux de changements climatiques ne sont pas obligatoirement pris en compte dans le processus d’autorisation des projets. 

Qui plus est, ni les émissions de gaz à effet de serre ni les enjeux d’adaptation aux changements climatiques n’ont été retenus comme des déclencheurs de l’obligation d’obtenir une autorisation ministérielle dans le Règlement encadrant les activités en fonction de leur impact sur l’environnement (REAFIE). Nous avions fait cette proposition lors des consultations publiques sur ce règlement

Biodiversité

De la même manière, il est hautement critiquable de constater que la présence d’espèces à statut précaire ne déclenche pas l’obligation d’obtenir une autorisation ministérielle pour réaliser une activité. Cela a pour effet que la LQE et ses règlements ne remplissent pas adéquatement leur fonction d’assurer la préservation de la biodiversité, alors que c’est là l’une des raisons d’être de la LQE telle qu’énoncée pourtant dans la disposition préliminaire de la Loi.  

Cet enjeu a notamment été soulevé par le Centre québécois du droit de l’environnement dans le dossier de la rainette faux-grillon à Longueuil.

Impacts cumulatifs

La réforme de la LQE a mis en place une nouvelle méthode d’encadrement des activités: la déclaration de conformité. En résumé, il s’agit d’un formulaire qui doit être rempli par un déclarant et qui affirme que l’activité sera conforme aux lois et règlements qui s’appliquent à elle. Le REAFIE précise quelles sont les activités qui peuvent être réalisées à la suite du simple dépôt d’une déclaration de conformité. 

La multiplication de projets réalisés sans obligation d’obtenir une autorisation environnementale préalable est préoccupante dans la mesure où  les impacts cumulatifs des activités sur un milieu donné ne sont pas pris en compte adéquatement. Sans une amélioration significative à ce sujet, comment s’assurer que ces activités présentent véritablement un risque faible pour l’environnement?

Des projets scindés pour un encadrement allégé

La difficulté pour la LQE et ses règlements d’appréhender les impacts cumulatifs des activités et des projets a également un effet sur un autre enjeu de taille : le «saucissonnage» des projets. 

Encore récemment, nous soulignions cet enjeu lorsque des projets ont été scindés par un promoteur, comme dans le cas du projet de mégaporcherie à Saint-Adelphe, ou le projet Gazoduq-Énergie Saguenay.

Le ministre de l’Environnement et le gouvernement ont cependant peu d’emprises légales afin d’imposer une définition de chaque projet différente de celle proposée par les promoteurs souhaitant contourner les processus plus complets d’autorisation des projets en fonction des impacts réels sur l’environnement. 

Une nécessaire amélioration continue

Au regard de ces constats, nous ne pouvons que constater que le travail législatif n’est pas terminé. La LQE devra être renforcée pour qu’elle puisse assurer une protection efficiente de l’environnement. Voici les chantiers que nous estimons prioritaires. Et nous serons au travail pour proposer des solutions afin de rétrécir l’écart entre les objectifs de la LQE et sa mise en œuvre concrète sur le terrain.