Le 13 février 2014

Par Alexandre Desjardins, avocat au CQDE

Le juge Benoît Moulin de la Cour supérieure du district de Gaspé a rendu le 10 février dernier sa décision dans le dossier du « Règlement de Gaspé ».

Ce règlement avait été adopté le 19 décembre 2012, par la ville de Gaspé pour protéger les sources d’eau potable de la ville. D’ailleurs, des versions semblables de ce règlement ont été adoptées par de nombreuses autres municipalités au Québec. Toutefois, seul le règlement adopté par la ville de Gaspé avait un impact direct et immédiat sur des travaux de forage, dans ce cas le dorage Haldimand 4 de l’entreprise Pétrolia.

L’entreprise a donc pris la décision d’abandonner ses travaux de forage prévus, et de déposer une requête en jugement déclaratoire devant la Cour supérieure, dans l’objectif de faire déclarer inapplicable les dispositions contraignantes de ce règlement à l’égard de ses activités.

Le verdict du jugement est clair: le règlement no 1205-12 de la ville de Gaspé n’est pas opposable aux activités de l’entreprise Pétrolia sur le territoire de la ville.

Plus précisément, l’article 8 du règlement, qui « interdit d’introduire dans le sol toute substance susceptible d’altérer la qualité de l’eau de surface ou souterraine servant à la consommation humaine ou animale dans des rayons de deux, six ou dix kilomètres selon la source d’approvisionnement » est jugé irréconciliable avec la règlementation adoptée par le gouvernement provincial sous l’égide de la Loi sur les mines.

En effet, selon le juge, « le détenteur d’un permis de forage en vertu de la Loi sur les mines et du règlement adopté sous son empire ne peut donc respecter à la fois cette loi et ce règlement et l’article 8 de celui de la ville » (par. 47). Et l’article 246 de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme est clair: les municipalités ne peuvent pas directement règlementer les activités minières sur leur territoire.

Le raisonnement est le même pour les articles 9 à 14 du règlement, qui « prescrivent la nécessité et les conditions d’obtention d’un permis pour quiconque désire introduire dans le sol une substance susceptible d’altérer la qualité de l’eau souterraine et de surface à l’extérieur des rayons visés par l’interdiction de l’article 8 » (par. 47). Le tribunal conclut que le « caractère véritable » de ces articles n’est pas la protection de l’eau, mais la règlementation du forage, qui relève de la compétence du gouvernement du Québec.

De plus, la Cour est aussi d’avis que « l’objet » de ces deux volets du règlement de Gaspé sont déjà couverts par le Règlement d’application de la Loi sur la qualité de l’environnement. Or, l’article 124 de la Loi sur la qualité de l’environnement (LQE) prévoit précisément que les règlements provinciaux adoptés en vertu de la LQE prévalent sur tout règlement municipal portant sur le même objet, à moins que ce règlement ne soit approuvé par le ministre de l’Environnement.

Il s’agit donc d’une victoire juridique pour Pétrolia dans ce dossier, bien que dans les faits, l’adoption de ce règlement a eu pour effet d’interrompre les opérations de forage de l’entreprise sur le territoire de la ville, dont les travaux sur le puits Haldimand 4, situé à 350 mètres d’une résidence desservie par le réseau d’aqueduc municipal et à quelque 850 mètres d’une maison alimentée en eau par puits.

La pression est maintenant sur le gouvernement du Québec, pour qu’il adopte un règlement sur la protection des eaux de surface et souterraines. Un projet de règlement en ce sens a été présenté au printemps dernier, mais n’est pas encore en vigueur, ce que pourrait pourtant faire le gouvernement sans délai. Il faut dire que le contenu de ce règlement ne fait pas l’unanimité… Et un appel de la décision est possible dans les 30 jours du jugement… à suivre donc!