Un nouveau ministre de l’environnement a été nommé hier par le gouvernement du Québec. Voici la lettre que le CQDE lui a transmise pour le féliciter de sa nomination et pour  lui faire part des principaux défis qui l’attendent dans les prochains mois selon le CQDE.

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Cher M. Heurtel,

Le Centre québécois du droit de l’environnement tient à vous féliciter chaleureusement pour votre nomination au Cabinet des ministres du gouvernement du Québec.

Nous espérons que vous saurez faire avancer de nombreux dossiers cruciaux pour la protection de l’environnement au Québec, dont les suivants, que nous estimons particulièrement urgents.

En tout premier lieu, vous devrez vous assurer que le projet de pipeline Oléoduc Énergie Est soit examiné en vertu des lois environnementales québécoises. Les impacts de ce projet de plus de 700 km de nouveau pipeline sur le territoire québécois sont nombreux et variés et font intervenir de nombreuses lois environnementales dont vous avez maintenant la responsabilité. En outre, ce projet inscrit le Québec comme un acteur majeur de l’expansion de l’industrie canadienne des hydrocarbures, particulièrement celle des sables bitumineux. La décision de changer la dénomination de votre ministère pour y inclure la question des changements climatiques nous fait espérer que vous permettrez une évaluation complète et publique des impacts de ce projet, conformément à la procédure prévue dans la Loi sur la qualité de l’environnement. Nous vous avons d’ailleurs déjà écrit spécifiquement à ce sujet.

D’autre part, vous devrez vous assurer que la LQE et ses règlements d’application soient appliqués correctement, notamment à l’égard des forages de recherche d’hydrocarbures. En effet, le Règlement relatif à l’application de la Loi sur la qualité de l’environnement a été modifié en juin 2011, par un précédent gouvernement libéral, de façon à rendre obligatoire une procédure d’information et de consultation du public lors de demandes d’autorisation pour les travaux de forage dans le schale ou de fracturation hydraulique. Cette heureuse modification n’a cependant jamais été appliquée à ce jour. Tant en Gaspésie que sur Anticosti, les entreprises déclarent maintenant procéder à des « sondages stratigraphiques » ou à des « tests d’injectivité » de façon à contourner cette obligation réglementaire, ce pourquoi le CQDE est actuellement devant les tribunaux.

Comme ministre responsable vous avez aussi le devoir de voir à l’application rigoureuse des dispositions de la loi visant l’accès à l’information en matière environnementale au Québec. Il est anormal, par exemple, que les citoyens se retrouvent si souvent à devoir affronter votre ministère devant la Commission d’accès à l’information alors que ces derniers doivent être vus comme des partenaires essentiels dans l’atteinte d’un développement qui soit durable. Nous tenons aussi à rappeler que l’accès à l’information et la participation du public à la prise de décision en matière d’environnement sont des principes reconnus par la Loi sur le développement durable dont vous avez la responsabilité.

Par ailleurs, vous devrez veiller à faire entrer en vigueur un certain nombre de dispositions de la Loi sur la qualité de l’environnement, qui sont toujours en attente d’un décret. Nous soulignons l’importance de mettre en vigueur rapidement celles concernant les prélèvements d’eau (section V de la loi) et l’article 2 d.1 vous donnant le pouvoir « d’établir et administrer, aux conditions et modalités déterminées par règlement du gouvernement, un fonds visant à favoriser la participation des personnes, groupes ou municipalités, à des audiences publiques ».

Vous devrez adopter une loi sur la protection des milieux humides. En effet, la Loi concernant des mesures de compensation pour la réalisation de projets affectant un milieu humide ou hydrique, adoptée en urgence en mai 2012, contient une « clause crépusculaire » qui rendra caduque cette dernière loi en avril 2015. Il y a d’ailleurs urgence pour le Québec de se doter d’une législation forte pour la protection des milieux humides du Québec, essentiels à la qualité de vie des Québécois.

Cela dit, vous connaissez certainement les difficultés de financement qu’éprouvent les citoyens et les groupes dédiés à la protection de l’environnement. Le CQDE ne fait pas exception à cette règle et cela nous empêche régulièrement de pouvoir faciliter aux citoyens et aux groupes l’accès à la justice environnementale. Nous espérons donc que le Fonds vert et les autres programmes du ministère permettent au CQDE de trouver un financement stable et récurrent de façon à assurer cette mission essentielle.

D’importants défis vous attendent donc, et le CQDE vous offre toute sa collaboration pour effectuer des travaux, des analyses juridiques, pouvant aider votre ministère à mieux accomplir ses nombreux mandats.

Depuis près de vingt-cinq ans, notre organisme offre une expertise juridique indépendante à l’intention des citoyens et organismes privés et publiques qui ont a cœur la protection de leur environnement. Nous n’avons indiqué ici que quelques aspects juridiques parmi les plus urgents, sans mentionner des changements législatifs plus fondamentaux concernant la protection de nos écosystèmes et la participation du public à cette mission. Nous espérons donc avoir le plaisir de vous présenter nos suggestions et d’échanger nos points de vue lors d’une prochaine réunion.

Encore une fois, toutes nos félicitations et au plaisir de pouvoir collaborer à l’atteinte des nombreux défis qui vous attendent,

Le président

 

Cédric G.-Ducharme, avocat, MBA