La Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques réunit chaque année des représentant·es des États membres afin de coordonner les efforts mondiaux de lutte contre les changements climatiques. À la veille du début de la COP27, des étudiant·es en droit ont écrit une lettre aux élu·es québécois et canadiens. Le Centre québécois du droit de l’environnement leur offre cette plateforme de diffusion de cette lettre ouverte, dont une version abrégée a été publiée dans La Presse le 5 novembre 2022.

Trop jeunes. Trop inexpérimenté·es. Trop idéalistes. Et pourtant…

Les étudiant·es en droit prennent la parole en vue de la COP 27

C’est en tant qu’étudiant·es, jeunes juristes et acteur·ices de demain, qu’aujourd’hui nous prenons la parole afin de nous exprimer sur un enjeu qui nous préoccupe gravement : l’état de la planète face aux risques causés par les changements climatiques et les réponses que nous jugeons insuffisantes de la part des gouvernements et de la communauté internationale.

Nous sommes cette génération future qui voit l’Amazonie partir en fumée, les glaciers fondre et la biodiversité disparaître à un rythme effréné.

Nous sommes cette génération future qui a hérité des dégâts environnementaux causés par les générations précédentes, problèmes dont nous ne sommes pas initiateur·ices, mais que nous avons aujourd’hui la responsabilité de résoudre.

Nous sommes cette génération future qui a vu les politicien·nes prendre des engagements et des actions pour préserver l’environnement « pour notre bien », sans pour autant parvenir à inverser la tendance.

Nous sommes cette génération future qui continue de se mobiliser pour convaincre nos gouvernements de l’urgence et de la gravité de la situation et les pousser à l’action. En vain.

Aujourd’hui, la crise climatique que nous subissons nous pousse à remettre en question non seulement notre futur, mais également notre présent qui est compromis tant par les dégradations de l’environnement que par l’inaction politique.

Agir est une nécessité

Les changements climatiques provoquent depuis des années des effets dévastateurs qui ne font que s’accentuer. Si rien n’est fait, cette tendance ne s’inversera pas. Un changement drastique doit s’opérer au plus vite.

Nous sommes sidérés. La 27e Conférence des parties marque le trentième anniversaire du cadre international de négociations sur le climat. Trente ans sans réels résultats, au détriment des intérêts et des besoins de la société civile et des populations, en particulier les plus vulnérables. Les plus récentes études confirment que les États et leurs représentant·es ont été incapables de se fixer des objectifs suffisants pour éviter le pire, sans même parler de les respecter.

Cette situation est inadmissible. Elle démontre les limites de la gouvernance environnementale internationale. Nous observons un décalage majeur entre les enjeux climatiques, les besoins des populations et les décideurs et leurs réponses au niveau international.

Notre voix compte

Bien que notre futur et celui des prochaines générations sera directement affecté par les actions et inactions actuelles, nous ne sommes aujourd’hui que très peu impliqués dans la recherche de solutions au niveau international. C’est paradoxal et contre-productif. Il convient de nous donner une voix.

Selon les traités et déclarations internationales, les États ont la responsabilité d’établir un cadre d’action pour la protection de l’environnement. Selon ces mêmes accords, en tant que jeune génération, nous avons le droit d’être consulté·es et d’être impliqué·es. En ce sens, le Canada s’est engagé, en vertu de l’Accord de Paris, à améliorer la participation du public, l’accès de la population à l’information et la coopération à tous les niveaux en matière de changement climatique.

En outre, la Déclaration de Rio reconnaît que « [l]a meilleure façon de traiter les questions d’environnement est d’assurer la participation de tous les citoyens concernés, au niveau qui convient. » Elle reconnaît également le rôle crucial des jeunes : « [i]l faut mobiliser la créativité, les idéaux et le courage des jeunes du monde entier afin de forger un partenariat mondial, de manière à assurer un développement durable et à garantir à chacun un avenir meilleur. »

Aussi, l’Objectif 16 des objectifs de développement durable sur l’accès à la justice cherche à « [p]romouvoir l’avènement de sociétés pacifiques et inclusives aux fins du développement durable, assurer l’accès de tous à la justice et mettre en place, à tous les niveaux, des institutions efficaces, responsables et ouvertes à tous. »

Jeune génération, nous avons grandi aux côtés des enjeux climatiques. Juristes en devenir dans des programmes de droit et de droit international, notre formation nous permet de comprendre la complexité des problématiques juridiques en lien avec les changements climatiques. 

Pour ces raisons, nous pouvons apporter un regard original sur les enjeux juridiques d’une problématique qui malheureusement est au cœur de nos vies.

Nous demandons

Alors que la 27e Conférence des parties débute en Égypte, nous encourageons nos gouvernements à prendre connaissance des propositions suivantes et à faire évoluer les dynamiques de gouvernance en matière climatique :

Une déclaration d’urgence climatique et une reconnaissance des responsabilités historiques

Nous vous demandons de reconnaître l’ampleur et la gravité de la situation, en déclarant un état d’urgence climatique à l’échelle internationale et en mobilisant au plus vite les ressources financières promises, maintenant depuis de nombreuses années.

Nous vous demandons de reconnaître vos responsabilités historiques respectives quant aux émissions de gaz à effet de serre et à l’évolution des changements climatiques. Dans une perspective de justice climatique, il est inacceptable pour les États de se réfugier derrière leurs niveaux d’émissions de gaz à effet de serre actuels pour échapper à leurs responsabilités historiques.

Nous vous demandons d’adopter une approche fondée sur la juste part des États en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Cette juste part doit tenir compte des émissions historiques des États, les émissions actuelles (en valeur absolue et par habitant), les émissions liées au commerce international et les capacités respectives d’action des États.

D’intégrer notre groupe au sein des délégations étatiques et aux Conférences des parties

Nous vous demandons de renforcer les principes de la justice climatique en impliquant les jeunes tout au long du processus de négociations, avant, pendant et après les Conférences des parties.

Pour cela, nous demandons de pouvoir bénéficier de représentant·es au sein des délégations officielles de nos gouvernements. Ceci permettra d’enrichir la diversité des perspectives et des approches au sein des délégations et, par voie de conséquence, au sein des forums de négociation.

Nous demandons que vous souteniez une plus grande implication de la société civile dans les instances de négociations climatiques. Il est aujourd’hui fondamental de modifier la façon dont les négociations se déroulent et d’ouvrir les cercles réservés aux États, particulièrement en y intégrant les jeunes générations. 

De créer un Forum des jeunes juristes en droit international de l’environnement

Nous vous demandons de reconnaître les jeunes juristes comme un groupe légitime de la société civile et leur rôle dans la lutte contre les changements climatiques.

Nous vous demandons d’accroître l’influence directe et indirecte des jeunes juristes dans les processus liés aux enjeux climatiques en créant un Forum des jeunes juristes en droit international de l’environnement. Cette instance citoyenne constituerait un carrefour de rencontre et de travail pour les jeunes juristes de tout horizon et soucieux des enjeux climatiques.

Nous vous demandons d’accorder au Forum des jeunes juristes en droit international de l’environnement une existence juridique et des pouvoirs, notamment consultatifs, afin qu’il puisse émettre des propositions et des recommandations à nos gouvernements.

 

Cette lettre ouverte est le fruit du travail collectif d’étudiant·es en droit international de l’environnement à l’UQAM et à l’Université d’Ottawa. Cette initiative a été coordonnée par les professeurs Alexandre Lillo et Thomas Burelli. Elle est appuyée par le Centre québécois du droit de l’environnement et le Centre du droit de l’environnement et de la durabilité mondiale.

 

Signataires :

Dounia Ahmad, Sofia Aissaoui, Emma Boisbunon, Chloé Benoit, Laetitia Bilodeau, Jennifer Bubar, Brianna Brassard, Luca Cezário Tostes Tito, Shyana Charest, Geneviève Charrette, Mathilde Chouinard, Kadiatou Cellou Barry, Sarah-Jade Cyr, Kim Dagenais, Maïka Desjardins, Axel Delannay, Lilly Dorléan, Marie Dykukha, Isadora dos Santos Rodrigues, Cielo Fernandez Otoya, Maxim Francoeur, Ariane Giguère, Marianne Hannoun, Anyssa Ibrahim, Claudia Jarry, Sara Johnson, Elena Kamanayo, Dania Kolanitch, Megan L’Abbé, Clovis Lachance, Émilie Latreille, Julie Lessard, Haoran Liu, Marine Audrey Malatchoumy, Timothée Mesnildrey, Yvette Meta Tshibuabua, Alexandre Ross, Maryanne Rouzou, Pauline Rivera, Sophia Scali, Alexandra Terrault, Élisabeth Thibault , Romane Vachon, Claudia Valcarcel Acurio, Elizabeth Viau.